La France fait-elle vraiment bande à part ?

Depuis la crise engendrée par la pandémie et les confinements successifs, la reprise économique en France a été soutenue. Deux phénomènes inédits depuis de nombreuses années se sont également entrecroisés.

Le marché de l’emploi est tendu, et l’inflation atteint des niveaux records.

Le PIB français a crû de 2,6 % sur l’ensemble de l’année 2022, selon les statistiques rapportées par l’INSEE. Le dynamisme de l’activité a été robuste au cours du premier semestre, avant de s’essouffler au second. Le pire a pourtant été évité. Il y a encore quelques mois, les pays européens dont la France étaient promis à une récession causée par le manque d’approvisionnement en gaz.

Une météo clémente (cause d’un phénomène de dérèglement climatique moins heureux) ainsi qu’un effort en matière de sobriété énergétique ont déjoué les pires scénarios. La consommation des ménages est toutefois mal orientée, l’inflation grignotant le pouvoir d’achat des ménages, qui plus est dans un contexte d’augmentation des tensions sociales. Les indicateurs du sentiment des entreprises se sont fortement dégradés en 2022, avant de rebondir au tournant du mois de novembre, et plus particulièrement en février 2023.

Le secteur des services a été particulièrement résilient, permettant notamment à la France de mieux « tenir le coup » par rapport à ses voisins comme l’Allemagne. L’essoufflement est toutefois bien réel. L’analyse de plusieurs indicateurs du cycle signale (à ce stade) une stagnation de la croissance pour le 1er trimestre 2023. Notons par ailleurs la situation inédite sur le marché de l’emploi, avec un taux de chômage au plus bas depuis 2008, ainsi que des difficultés à l’embauche éprouvées par les entreprises.

Du côté de l’inflation, la France fait également un peu bande à part, du moins en apparence. Le niveau absolu de progression de l’inflation toute catégorie confondue (+7 % en janvier sur un an) est certes inférieur à celui de la zone Euro dans son ensemble (+8,6 %) grâce notamment à la mise en place de boucliers tarifaires, mais les suspects identifiés sont les mêmes. Les prix alimentaires y contribuent à hauteur de 2,5 % dans le cas de la France et la pression liée à l’énergie est encore très élevée. Ces deux éléments constituent les conséquences des deux chocs d’offres consécutifs que sont la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. La catégorie des services s’accroît elle aussi, loin des standards historiques, ce qui s’apparente davantage à un choc de demande. En 2023, l’inflation française devrait donc suivre le même chemin que la zone Euro : une inflation totale qui s’atténue grâce aux effets de base, mais une inflation cœur qui s’accroche au-dessus de 2 %.

La question des effets de la politique monétaire est centrale. La hausse du coût du crédit se répercute peu à peu pour les entreprises et les ménages, mais la structure de la dette en France est principalement à taux fixe. L’impact est donc pour le moment circonscrit au flux de nouveaux crédits, et non pas au stock préexistant qui a été contracté sur des maturités relativement longues. La diffusion des relèvements de taux de la BCE sera donc progressive, d’autant que l’échéance du pic de resserrement monétaire ne fait qu’être repoussée.

Notons à cet égard le rôle particulier qu’entretient François Villeroy de Galhau (gouverneur de la Banque de France) au sein des débats. Ses prises de parole récentes dans les médias apparaissent comme le point d’équilibre entre les craintes des pays du Sud (Italie…) et la volonté de lutter contre l’inflation des pays du Nord (Allemagne…). Sa vision nous paraît donc éclairante, alors que la BCE tiendra sa prochaine réunion le 16 mars prochain.

Pour compléter le tableau, mentionnons enfin les initiatives de la Banque de France qui fait figure des tous meilleurs élèves concernant le verdissement de la politique monétaire. La BCE marque ici sa différence avec la Fed, dont le discours diffère sensiblement.

Il ne fait nul doute que ce sujet sera au cœur des débats dans les années à venir…

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